L'économie mixte est traditionnellement très développée en France, grâce au recours important aux délégations de service public ou à l'existence des sociétés d'économie mixte. Ce terrain spécifique devrait donc être particulièrement propice au développement des Partenariats Public Privé (PPP) ou plus exactement, au sens strict, à une utilisation intensive des contrats de partenariats (CP). Il apparaît pourtant, qu'en la matière, par rapport aux autres pays européens et notamment par rapport à la Grande-Bretagne, la France accuse un certain retard dans le développement de ces outils. Pourtant, le gouvernement actuel voit dans ces montages juridiques une solution pour résoudre une équation financière de plus en plus complexe et cherche à relancer l'intérêt de cet outil en modifiant le régime juridique applicable. Le parlement a ainsi définitivement adopté la loi n°2008-735 relative aux contrats de partenariat le 28 juillet 2008, modifiant ainsi l'ordonnance du 17 juin 2003.
Les avantages des PPP
Ces nouveaux contrats devraient permettre grâce à l'intervention du secteur privé de raccourcir les délais de réalisation des travaux et d'optimiser les coûts d'entretien ultérieurs. En effet, l'investisseur conçoit, réalise et exploite l'équipement. Il va donc pouvoir chercher à mettre en œuvre des innovations technologiques en consacrant plus de moyens à l'investissement pour générer des économies sur le fonctionnement courant. Il s'agit d'un raisonnement patrimonial que les collectivités n'ont pas encore toutes intégré. Au delà, cet outil juridique pourrait améliorer la gestion du patrimoine des collectivités locales en leur permettant d'appréhender de façon claire et précise l'ensemble des coûts afférents à un bien, de la construction à l'entretien ultérieur sans oublier les charges financières, même lorsque l'équipement n'est pas géré dans le cadre d'un budget annexe.
L'ordonnance n°2004-559 du 17 juin 2004 et tous les rapports réalisés soulignent la préoccupation du législateur de ne pas rendre ce montage juridique plus onéreux qu'une réalisation en maitrise d'ouvrage publique. Cette législation vise en particulier à rendre ces montages juridiques particulièrement attractifs en :
Autorisant le titulaire du contrat à financer l'équipement par crédit-bail,
Exonérant les bâtiments du paiement de la taxe foncière dans la mesure où c'est le cas lorsque le bien est réalisé directement par le maître d'ouvrage public,
Rendant éligible au FCTVA la rémunération affectable aux investissements (contrairement aux METP),
Pour autant, au-delà des avantages et des discours des promoteurs de ces montages, il convient de rester prudent et de conserver en mémoire les limites du dispositif.
Les limites des PPP
Le partenariat public / privé conduit en réalité à lancer une seule et unique mise en concurrence pour 3 objets totalement distincts. En effet, le montant du « loyer » payé par la collectivité est unique alors qu'il est composé de 3 coûts différentiables :
Le coût de la construction,
Le coût du financement,
Le coût de l'entretien et de l'exploitation du bâtiment,
Le contrat de partenariat est financièrement plus performante si le coût global du PPP sur la durée du contrat est actuariellement (utilisation des outils de mathématique financière) inférieur à la somme des 3 coûts précédemment listés, ce qui est loin d'être garantis.
En effet, traditionnellement, les collectivités maîtrisent parfaitement le coût de leurs investissements grâce à la procédure des marchés publics et se financent par emprunts à des taux particulièrement performants grâce à un haut niveau de concurrence entre banques mais aussi grâce à la minoration du ratio Cooke dont bénéficient les établissements financiers qui consentent des prêts aux collectivités locales.
Ainsi, s'agissant du financement au sens strict, cet outil est moins performant dans la mesure où le groupement titulaire du contrat supporte des taux de financement très largement supérieurs aux taux habituellement offerts à la collectivité. De la même manière, une partie du financement (jusqu'à 15%) doit provenir des fonds propres de la société privée dont les actionnaires vont réclamer une rémunération de leur capital de 10% à 15% par an, ce qui renchérit encore le cout de financement de l'équipement.
Pierre J Hamel, sociologue québécois a réalisé en 2007 une étude critique sur les PPP et les municipalités. Il note qu'en se plaçant du point de vue de l'investisseur privé cherchant à bénéficier du rendement le plus élevé possible pour ses liquidités deux choix sont envisageables : prêter à l'état en lui achetant ses obligations du Trésor ou investir la conception/réalisation d'un équipement que l'Etat louera au travers d'un contrat de partenariat. Au regard des risques financiers, il est évident que l'achat d'obligations est plus sur que la souscription d'un contrat de partenariat. Et pourtant, les investisseurs anglo-saxons font la promotion et sont particulièrement friands de ce type de contrats ce qui signifie que le rendement pour eux et donc le coût pour la collectivité est plus important que l'achat d'obligations émises par ces mêmes collectivités publiques.
Toute l'argumentation tournant autour des PPP repose comme nous le verrons dans la partie consacrée à l'évaluation des coûts comparatifs sur la notion de risque. Sans prise en compte du risque, la réalisation en Maîtrise d'ouvrage directe est moins onéreuse. Ce n'est que si la collectivité souhaite couvrir une grande partie des risques que le PPP se révèle le moins couteux. Tout part du postulat de base que dans le cadre du PPP le risque est transféré au privé. Ce transfert de risque légitime le surcoût financier pour la collectivité qui est sensé s'y retrouver par la suite.
Dans son étude, Mr Hamel raisonne par l'absurde et prend comme hypothèse qu'un risque important se réalise et que la personne privée, malgré le contrat signé refuse de l'assumer en organisant son insolvabilité. Il note que la collectivité ne peut raisonnablement pas abandonner un équipement indispensable à sa population et qu'elle va être contrainte de revoir par avenant les conditions financières inscrites dans le contrat de partenariat. Il note ainsi que si le PPP se déroule sans anicroches sur toute la durée du contrat, la collectivité aura payé l'équipement et l'exploitation plus cher que si elle l'avait réalisé en maîtrise d'ouvrage directe. Si le PPP se déroule moins bien avec l'apparition d'un aléa ou d'un risque important, si la personne privée se déclare insolvable et qu'un avenant modifie le contrat de partenariat initial, la collectivité aura assumé le coût du risque comme si elle avait été le maître d'ouvrage mais elle aura payé en plus le surcoût initial du contrat. C'est un peu comme si la collectivité souscrivait une assurance en payant la prime et qu'après réalisation du sinistre elle s'aperçoive qu'elle n'était pas couverte par la garantie.
La prise en compte, in fine, du coût du risque par la collectivité fait tomber tout l'intérêt du PPP tant vanté par ses promoteurs. En d'autres termes, certains pourraient se demander si le PPP n'est pas un nouvel outil permettant, sans le dire, de privatiser les gains financiers et de socialiser, de faire peser sur la collectivité publique les pertes.